#21 Psychothérapie vs Ostéopathie: déséquilibre de remboursement
La santé mentale est aujourd’hui l’un des grands défis de santé publique. Burn-out, dépression, anxiété, troubles psychiques chroniques : 1 Français sur 5 (1) en souffrira au cours de sa vie. Pourtant, l’accès aux soins psychologiques demeure limité par un remboursement très insuffisant, que ce soit par la Sécurité sociale ou les mutuelles. Dans le même temps, l’ostéopathie et les médecines douces bénéficient souvent d’une meilleure prise en charge. Pourquoi ce paradoxe ?
Santé mentale : un remboursement encore marginal
La Sécurité sociale ne prend en charge les séances de psychologues que dans le cadre du dispositif Mon soutien psy (12 séances maximum par an, à 50 € chacune) et depuis 2022 seulement. Au-delà, les patients paient de leur poche. C’est un commencement. Mais une psychothérapie dépasse souvent les 12 séances et le nombre de psychologues acceptant ce tarif horaire est rare d’où le risque de séances rabotées ou des professionnels non investis.
Selon la Mutualité Française, le reste à charge moyen pour un patient souffrant de troubles psychiques est de 1 300 € par an, contre 470 € pour un patient sans troubles psychiques (2).
Si certaines mutuelles comme la MGEN remboursent quelques séances supplémentaires (4 séances en 2022, pour 160 000 personnes, soit 22 millions d’euros), cela reste une exception et ne couvre pas l’ampleur des besoins (3).
Pourtant (!) les études internationales sont claires : l’OMS estime que chaque euro investi dans la santé mentale génère 4 € de retour en productivité et en santé (4). De même, des assureurs américains ont montré qu’un investissement de 100 $ dans des prestations de santé mentale réduisait les dépenses médicales de 190 $ (5). On parle d’un retour sur investissement entre 190 à 400% !En combien de temps? Eh bien, évidemment le temps d’une thérapie. On constate un mieux solide au bout d’un an ou deux dirais-je. N’importe quelle banque miserait sur un produit comme celui-là !
La littérature est unanime: investir dans la santé mentale est rentable: entre +90% et +300%
Ostéopathie : une prise en charge plus visible
Depuis la loi Kouchner de 2002 et les décrets de 2007, l’ostéopathie bénéficie d’une reconnaissance légale et d’un numéro ADELI. Cela a facilité son intégration dans les offres des complémentaires.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des mutuelles rembourse l’ostéopathie : forfaits annuels (150 à 270 €) ou remboursements par acte (30 à 65 € la séance). Des acteurs mettent en avant cette couverture comme argument commercial (6).
Pour les complémentaires, ce remboursement est facile à budgéter (plafonds connus, nombre de séances limité), ce qui limite le risque financier.
Pourquoi ce décalage ?
* Risque financier maîtrisé : l’ostéopathie est couverte par des forfaits annuels ou un nombre de séances limités, alors que la santé mentale peut nécessiter un suivi long, donc coûteux.
* Visibilité marketing : l’ostéopathie est populaire et perçue comme une pratique de bien-être, attractive pour les assurés. La santé mentale souffre de moins en moins d’une vision négative mais beaucoup de réticence à ce “type de soins” persiste.
* Cadre public tardif pour la santé mentale : le dispositif Mon soutien psy n’existe que depuis 2022. Avant, rien ne structurait l’offre, rendant les mutuelles frileuses.
* Poids des dépenses : les pathologies mentales représentent déjà un poste massif de dépense (23,4 milliards d’euros en 2021, +10,2 Mds entre 2012 et 2015, (7)).
Pour une meilleure équité
L’objectif n’est pas d’opposer les deux disciplines. Toute pratique de prévention est bénéfique pour la santé globale et mérite d’être encouragée. Mais la situation actuelle révèle un déséquilibre : les patients en souffrance psychique, souvent fragilisés financièrement, doivent faire face à un reste à charge très élevé, alors même que l’investissement dans la psychothérapie est rentable pour la société et les assureurs. La rentabilité est d’ailleurs un sujet largement couvert dans la littérature pour la santé mentale contrairement à l’ostéopathie pour laquelle on ne dispose pas aujourd’hui d’études publiques démontrant un véritable gain financier net ou un ROI clair.
Renforcer le remboursement de la santé mentale par les mutuelles serait donc :
* Un levier de santé publique : accès plus rapide aux soins, prévention des aggravations.
* Un choix économiquement rationnel : réduction des arrêts maladie, hospitalisations et prescriptions médicamenteuses. Gain d’efficacité et implication au travail, productivité.
* Un engagement sociétal fort : redonner de la dignité aux patients et répondre à une priorité nationale.
Conclusion
Ostéopathie et psychothérapie ne s’opposent pas : elles répondent toutes deux à des besoins de prévention et de santé. Mais pour rééquilibrer notre système, il est temps que les mutuelles et l’Assurance maladie investissent davantage dans la santé mentale. C’est un enjeu de justice sociale, de santé publique et de soutenabilité financière.
Sources
- (1) https://www.vie-publique.fr/en-bref/281664-sante-mentale-repondre-la-forte-demande-de-soins-des-francais?utm_source=chatgpt.com ; https://www.fondationdefrance.org/fr/cat-sante-mentale/maladies-psychiques-le-continent-cache?utm_source=chatgpt.com
- (2) https://www.mutualite.fr/communiques-de-presse/sante-mentale-rendre-les-psychotherapies-accessibles-au-plus-grand-nombre/
- (3) https://www.argusdelassurance.com/acteurs/faire-face-au-malaise-croissant-des-assures.229478
- (4) https://www.who.int/publications/i/item/9789241513380
- (5) https://www.mckinsey.com/industries/healthcare/our-insights/the-case-for-investing-in-behavioral-health
- (6) https://www.lesmutuellespascheres.com/remboursement-osteopathie-meilleure-mutuelle ; https://osteoaparis.fr/tarif/comment-bien-choisir-sa-mutuelle
- (7) https://echangesassurances.org/le-cout-grandissant-des-pathologies-mentales-pour-les-assureurs/
Aller plus loin…
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France |
Dépression : 1 € → 1,95 € économisés ; Anxiété : 1 € → 1,14 € |
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24526585/?utm_source=chatgpt.com |
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Canada |
1 $ investi → 2 $ économisés à long terme |
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28502247/?utm_source=chatgpt.com |
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USA |
Jusqu’à 3 000 $ économisés sur 1 à 2 ans | |
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Maladies chroniques |
~1 100 $ économisés par an en moyenne |
https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC11164411/?utm_source=chatgpt.com |
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